Le géomarketing ou l’étude des zones de chalandises est une discipline qui s’est, depuis quelques années, démocratisée dans les stratégies des distributeurs. Aujourd’hui, aucun secteur d’activité n’y échappe. Grande distribution classique ou spécialisée, marché du meuble et de la décoration d’intérieur (Maisons du Monde), hôtellerie (en 2014, une chambre d’hôtel sur deux appartient à une chaîne) et plus largement le secteur tertiaire sont des acteurs convertis aux bénéfices de la géomatique.
Rien de surprenant. Avec la banalisation de la collecte de données géographiques via nos smartphones, nos applications mobiles et nos GPS ainsi qu’avec le croisement de données socio-démographiques et économiques : ces dernières étant fournies par les recensements de l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE).
Le géomarketing est devenu en quelques années un outil redoutable pour penser sa stratégie d’implantation. Les grandes enseignes et les grands groupes français ne sont plus les seuls à avoir identifié cette opportunité. Des indépendants et notamment des métiers artisanaux s’accaparent désormais les opportunités de l’étude géomarketing : c’est le cas des boulangers-pâtissiers.
De manière générale, les mutations stratégiques des secteurs d’activités trouvent leur origine dans l’évolution des comportements des consommateurs. Le secteur des métiers de bouche et de la boulangerie ne déroge pas à la règle. En décembre 2014, l’INSEE s’intéresse aux comportements de consommation des français et plus précisément sur la manière dont ils font leurs courses. L’une des conclusions de cette étude nous éclaire sur le recours du géomarketing chez les artisans boulangers.
« […] pour leurs achats alimentaires, les habitants des grandes villes privilégient les commerces proches de leur domicile, alors que les ruraux parcourent de plus grandes distances pour faire leurs courses […] » INSEE
Si le bilan est élémentaire, l’explication l’est aussi. Tout n’est qu’une question de taux d’urbanisation et de taux d’implantation des points de vente d’alimentation.
« […] Dans les communes rurales l’offre locale est en effet plus réduite : ces communes représentent les deux tiers des communes de métropole, mais n’abritent qu’un cinquième des points de vente d’alimentation […] » INSEE
Avec un taux d’urbanisation du territoire français qui ne cesse de croître, +19% en dix ans (cf : « le découpage en unités urbaines de 2010 » août 2011 – INSEE), on comprend les nouveaux enjeux liés à l’implantation de son point de vente et l’intérêt des boulangers à s’octroyer les bénéfices du géomarketing. Il s’agit parfois même d’une question de survie.
Quant à la catégorie d’entreprise utilisant des concepts géomarketing dans leur stratégie d’implantation : la société Le Duff et ses marques la Brioche Dorée et le Fournil de Pierre, le groupe Holder et son enseigne Paul sont autant de succursales utilisant la géomatique. Les groupes positionnés sur le secteur de la boulangerie-pâtisserie ont été les premiers du secteur à incorporer l’étude des zones de chalandise dans leur processus de développement commercial. Plus intéressant car plus récemment, les réseaux d’indépendants sont également concernés par cette évolution. C’est le cas du réseau de boulangeries indépendantes Banette.
« Nous avons souhaité profiter des connaissances des techniques utilisées par les réseaux de franchise afin de développer un outil permettant d’analyser la qualité des zones de chalandises de nos clients artisans boulangers. » explique Philippe Cavagna, directeur général du réseau d’indépendants Banette SAS. Selon ce dernier, l’utilisation du géomarketing dans son entreprise est inévitable dans son processus de professionnalisation de l’approche commerciale de ses partenaires.
La branche des artisans boulangers sans marque étant trop éparse, aucune information sur leurs usages du géomarketing n’a pu être révélée. Cependant, la démocratisation de cette méthodologie d’implantation dans des entités plus importantes et structurées, ainsi que la nécessité de sonder son marché pour obtenir des financements, suggèrent un développement imminent de ces procédés au sein de cette typologie d’acteurs.
La géomatique et plus précisément les études géomarketing ne sont désormais plus cantonnées au secteur de la grande distribution. Ses avantages en terme de stratégie d’implantation se démocratisent désormais sur des secteurs beaucoup plus artisanaux. Preuve en est avec la mise en place de ces méthodologies dans les groupes et réseaux de boulangers. Derrière cette popularisation du géomarketing se cache une évolution profonde des comportements des consommateurs en matière de rapport achat/proximité et une grandissante urbanisation de nos territoires.
Quelle sera la prochaine étape ? Concurrence oblige, il est à prévoir une massification de ces usages chez les artisans boulangers sans marque.
Auteur de l’article : Yacine B
Source : Où fait-on ses courses ? INSEE